25 Juin 2023, un dimanche matin, une vierge, peut être du vœu hors département de la Drôme ce n'est pas courant, il fait déjà chaud quand nous arrivons dans le village de Saint-Vérand dans le département de l'Isère, après une première tentative d'accès impasse Notre-Dame-Des-Champs, nous faisons volte et face et nous dirigeons en voiture vers un deuxième accès, impasse de Vernas qui me semble moins difficile.
Nous nous garons à proximité de ce panneau, nous sommes sur la bonne voie. Érigée sur le coteau du Châtelard, la statue dédiée à Notre-Dame des Champs est difficilement visible à partir du bourg de Saint-Vérand à cause d’une végétation de plus en plus luxuriante. Les visiteurs doivent emprunter un petit chemin pentu pour y accéder.
Pentu et très encombré, quelques chose me dit que ce chemin que nous empruntons est très peu fréquenté à voir les branches et autres ronces, quelques bouses de vaches séchées me permet de penser qu'au moins des êtres vivants l'empruntent encore ce chemin.
Nous arrivons au sommet de la butte et retrouvons un chemin beaucoup plus abordable et plat, ce qui n'est pas pour nous déplaire, au bout du chemin doit se trouver Notre-Dame-Des-Champs qui domine le village de Saint-Vérand depuis le printemps 1954.
L'histoire de cette statue remonte donc au début des années 1950, époque durant laquelle l’église reste influente dans la vie...une maquette est visible dans l'église. C’est le père curé de l’époque, l’abbé Jasserand, qui l’a faite installer, pour veiller sur le village, nous sommes à moins de 10 ans de la fin de la dernière guerre, et pour permettre à la vie religieuse, au culte marial en particulier, de connaître un certain regain.
Joseph Jasserand fut curé de Saint-Vérand de 1937 à 1978 et ce fut le dernier des curés affectés en propre à la paroisse. « Notre-Dame des Champs » de Saint-Vérand c’est à Duilio Donzelli qu’on la doit.
Les épis de blé, les raisins, que le sculpteur a placés dans ses bras, sans doute selon le vœu du curé Jasserand, renvoie à une tradition ancestrale, signifient – au-delà de tout message propre à une religion – que la terre est pour les hommes leur maison, leur grenier, et le premier outil qui leur soit donné pour développer les qualités qui les différencient des autres espèces.
"Notre-Dame-Des-Champs priez pour nous". Une socle rustique de pierres de lignée de 3m30 de hauteur a été érigé par des bénévoles qui assemblèrent artistiquement ces pierres vives en un "opus incertum" qui s'harmonise très heureusement avec le sujet de la statue et le cadre aride de cette colline
L’artiste sculpteur choisi, on le connaissait d’autant moins au village qu’il fut très peu, et très allusivement, question de lui avant, pendant et après l’installation de sa Madone. Né en Italie, cet artiste au destin baroque, poursuivi par la haine fasciste, vint en 1940 se réfugier à Valence avec son fils Dante.
Lui, c’était Duilio. Tous deux nommés Donzelli, tous deux peintres, sculpteurs. Pour identifier « le » Donzelli à qui l’on doit la Dame Blanche du Châtelard, il fallut mener l’enquête. Mais, en identifiant l’auteur, Duilio Donzelli, c’est toute une famille d’artistes qui sortit du chapeau ! Une famille à qui la Drôme, l’Isère, l’Ardèche comme le Luxembourg, la Meuse, les Vosges, doivent de multiples monuments, sculptures, fresques, sans parler de peintures, dessins, mosaïques.
Le cadre métallique, censé supporter l’éclairage dont on avait doté ce beau symbole pour qu’il soit visible de nuit comme de jour, a copieusement rouillé. Il est d’une laideur absolue. Il y a bien longtemps qu'il ne doit plus rien éclairer. Quiconque s’est décidé à photographier la sculpture sait bien quel parasite visuel cette armature est devenue.
Notre-Dame des Champs rappelle à ceux qui la contemplent qu’ils ne sont propriétaires de rien : ni de territoires, ni de biens.
Le curé Jasserand fit bénir la statue en grandes pompes par le Vicaire Général Tanchot, venu tout exprès de l’évêché de Grenoble pour l’occasion.
S’occuper de Notre-Dame des Champs aujourd’hui c’est s’ouvrir une porte sur le futur. Il faut réhabiliter la pierre, modifier radicalement le système d’éclairage, rendre le chemin d’accès plus accessible, le site plus agréable, avec des graviers par exemple, installer des bancs, bref : il y a beaucoup à faire ! Mais de quoi un Saint-Vérannais sera-t-il le plus fier ? D’avoir laissé pourrir le chef d’œuvre de Duilio Donzelli et du curé Jasserand, ou d’avoir voulu en faire un maître atout dans son jeu ?
(Source: Michel Jolland son président de l’association « Saint-Vérand Hier et Aujourd’hui ») http://www.masdubarret.com/ page 18 et 19